Notre Projet
Merci !
Ça y est, elles y sont ! Dans une caisse en bois, trop petite pour elles, entre quatre planches, fixées aux linteaux telles une amarre sur une bite de port. C’est fini, ou du moins proche de l’être. Des dizaines de milliers de kilomètres parcourus, des dizaines de pays traversés, un nombre incalculable de litres d’essence et d’huiles écoulés, une consommation de filtres et autres consommables à en perdre la tête et des rencontres gravées à jamais dans nos mémoires. Ce n’est pas sans émotion que nous dressons pour vous ce dernier bilan. Le cœur nous serre et les yeux piquent en observant nos deux destriers dans ce qui ressemble presque à des cercueils. Les esprits pragmatiques se demanderont comment il est possible de personnifier à ce point nos tas de ferraille. Après tous ces kilomètres sous la pluie ou sous un soleil de plomb, au fond d’immenses canyons ou dans l’immensité des routes désertiques, perdus dans nos pensées ou les yeux rivés sur l’objectif, finit par naître entre le motard et son bolide un lien indéfinissable, une union surréaliste entre la matière et l’esprit, le conducteur et son outil. Des routes normandes si connues de nous, aux confins de la cordillère des Andes, elles nous ont accompagnés partout. Elles étaient nos refuges, elles portaient nos vivres et nos cocons précaires, elles étaient nos moyens d’évasion, de rencontres, (presque des confidentes), les seules témoins de nos moindres états d’âme… Lamartine se demandait : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ; Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
On serait tenté de répondre oui quand après avoir avalé de l’apshalte à n’en plus pouvoir, une petite pointe de morosité et de tristesse semble pointer le bout de son nez. Mais alors pourquoi terminer ici, à Lima, pourquoi arrêter maintenant ?
La fin approche, nos motos s’en vont elle reprennent la mer. Voilà, il y a 970 jours, nous réalisions nos premiers tours de roue. Heureux, insouciants, nous partions de la maison familiale de Morgan laissant derrière nous les traces d’un sédentarisme froid dont nos esprits juvéniles ne s’accommodaient plus. Nos motos gréés pour l’aventure, l’aiguille de la boussole virevoltait à nous en donner le tournis, symbole des rebondissements dont regorgeait notre périple, les visages des parents s’effaçant doucement, l’aventure commençait. 90 000 kilomètres plus loin, dans le petit village de Cotaruse de la province de Aymaraes au Pérou, dans une fraîcheur et une atmosphère que seules des montagnes de 5000 mètres savent créer, ma moto décida qu’il était temps, temps de rentrer, rentrer pour de bon ! Nous sommes à 3250 mètres d’altitude et ma moto ne démarre plus. Les deux habitants du village présents écarquillent les yeux alors que nous ouvrons le moteur pour tenter de comprendre la panne. Le téléphone satellitaire à l’oreille, nous contactons nos aînés plus experts en mécanique mais, malheureusement, le verdict est sans appel : le tendeur automatique de chaine de distribution est hors service. Dans nos multiples tentatives de redémarrage et la mise en place du plan B et de tous les autres – tous les systèmes D étant bienvenus – surgit soudainement un claquement à réveiller les morts. La chaîne de distribution a dû sauter de quelques crans, décalant l’arbre à cames et le volant moteur ; c’est Tchernobyl dans le moteur et même les chiens errants viennent nous voir, comme pour tenter d’arracher un sourire à nos mines désemparées. C’est alors que nous comprenons, ici, esseulés dans les montagnes, que nous ne repartirons pas sur nos deux motos. A ce moment-là, je pense que notre persévérance a atteint ses limites. Au fond toutes les bonnes choses ont une fin dit le dicton, eh bien la nôtre est arrivée… Prématurément ? Avec un certain retard ? Tout dépend du point de vue. Le plus violent dans cet évènement fut sa soudaineté ; la veille vous parcourez le monde comme un chevalier parti à l’aventure et – en l’espace de quelques minutes – tout ce pour quoi vous vivez depuis des mois, voire des années, s’effondre à cause d’un problème mécanique. Désillusion, nous qui voulions rejoindre Carthagène à moto après avoir déjà amputé notre voyage de toute l’Amérique Latine et l’Amérique du Nord faute de temps et de moyens. Nous nous retrouvons au pied du mur…
Deux heures de camion-stop suffirent pour rencontrer Octavio. Conducteur routier depuis 18 ans dans son 38 tonnes FreightLiner, il accepte de nous conduire à Lima. Ni une ni deux, nous chargeons nos fidèles destriers à l’arrière et nous voilà partis à zigzaguer entre les montagnes péruviennes. Quelques jours plus tard et 800 kilomètres parcourus, nous finissons par atteindre Lima et l’ultime espoir de repartir est balayé d’un revers de main lorsque le cinquième garage nous confirme que l’attente pour les pièces serait au minimum de 45 jours puisque nos grosses DR n’ont jamais été commercialisées au Pérou. Ces 45 jours au minimum, nous ne les avons pas, du moins nous les avons plus la France nous manque ainsi que vous tous qui nous suivaient et les visas et autres administrations seront un problème de plus à inclure dans la balance. Braquages, chutes, mésaventures, ce joli cocktail ne nous avait jamais fait faiblir mais cette fois, c’est sûr, c’est la fin.
Voilà comment nous en sommes venus à renvoyer nos motos à destination du port du Havre ; une panne, au mauvais endroit, au mauvais moment, un peu de stop, quelques visites dans différents garages et elles repartent dans une nouvelle caisse en bois. Au fond elles le méritent bien, non ? Il parait que ce n’est qu’un « au revoir », peut-être une manière de vivre autrement les prochaines aventures, une sorte d’éternel recommencement entre les idées, les projets, les voyages et les déroutes qui forment les nouvelles idées. C’est bien connu, tout ça passe trop vite, les rencontres, les voyages, ce tour du monde. En a-t-on profité suffisamment ? Aurons-nous des regrets ? Des remords ? Si nous devions dresser un bilan maintenant, à chaud, à mi-chemin entre la fierté et la déception, quel serait-il ? Juste avant de rentrer, de reprendre le cour d’une vie moins nomade, plus à l’image de Madame Routine, l’heure est au repos, à l’administration et à la réflexion. Ce qui est certain c’est que le souvenir des paysages et des rencontres restera lui intact dans nos esprits, comme la marque indélébile de ce qui fut le voyage d’une vie…
L’aventure s’arrête pour les motos mais nous tenions à TOUS vous remercier en espérant n’en oublier aucun, pour votre soutien sans faille dans chaque moment, les bons comme les mauvais, alors un grand MERCI ! On s’excuse par avance auprès des malheureux écartés de cette liste qui ne saurait de toute façon être exhaustive.
Tout d’abord MERCI à nos partenaires, sponsors pour avoir cru en notre projet, pour nous avoir soutenu chacun à son niveau malgré les risques. Merci à Galaxie-Productions, Cottards Motos, Maxxess Rouen, Dafy Moto, Scorpion Helmets, la Société Générale, EcoTDS, ENSA Nantes et l’École française de Téhéran.
MERCI à vous les médias, les relais de communication pour nous avoir diffusé. Merci à Allô la planète, le Paris Normandie, France 3 Haute Normandie, L’Équipe Magazine et Bike Magazine UK. Mais aussi à Romain Gohé et Antoine Fontaine pour votre aide précieuse sur les supports médiatiques que nous utilisons encore aujourd’hui.
MERCI à l’équipe COTTARD qu’on espère retrouver très vite avec les traditionnels croissants au coin de l’atelier. Merci à Alain, Fanny, Laura, Quentin, Roro, Benoît, Loïc, Marco, Quentin, Jeremy, Gauthier pour avoir cru en deux petits branleurs débarqués un début d’été 2016 au magasin.
MERCI à toutes ces personnes, la réussite de ce projet est le fruit d’un travail d’équipe mais aussi celle de la générosité, de nos inombrales rencontres tout au long de ce voyage.
MERCI à nos amis, vous les loubards pour avoir toujours un message de soutien et sans qui ce projet serait tombé à l’eau. Merci à vous tous de nous avoir soutenu dès le début les KissBankers :
Drouchka, Thierry, Jahhh, Srdika, Jean Francis, Alice, Bastelicaccia, Célia, Maxime, Lily et Alain, Françoise, P’tite Chef, Tsarnicolas, Laura, Toinou et Nastasia, Bernard, Flora, Vivih, Merluche, Géronimo, Flo la pointe, Sophie, Gégéronimo, Mélanie, Guyo’m, Mathéa, Sandra, Roseline, Trousse, Marie, Ithos, Tata Gege, Lolodu76, Fofie et Crépu, Cédric, Paul, Thierry, Sylvie, Jama, Mamicloclo, Chacha, Lilou et BB, Janique, Rémi, MP, Carlito l’amigo, la Gueurzette, Martinbrisson, Bouboulafond, Véronique et enfin Pauline.
MERCI à nos familles, qui nous apporte un soutien inaltérable à qui nous pensons régulièrement et qui nous a permis de réaliser ces dizaines de milliers de kilomètres…
MERCI à nos parents Véronique, Janique, Christophe et Patrice pour ce modèle de persévérance que vous nous avez inculqué et votre confiance indéfectible dans nos choix.
MERCI à nos grands parents, Monique, Paul, Claudine et Eliane pour votre sagesse et votre soutien à découvrir le monde par nos yeux.
MERCI à Maud et Simon mon frère et ma soeur que j’aime tant et dont le soutien aussi bien littéraire que psychologique m’a aidé à surmonter bien des épreuves et dont les valeurs de fraternité et d’amour m’accompagnent chaque jour de cette aventure.
Enfin MERCI à tous les autres, les cousin(e)s, les tantes, les oncles, etcetera comme nous l’avons dit auparavant cette liste ne saura être exhaustive et presque 1000 jours d’aventures ne peuvent se résumer en quelques dizaines de lignes mais MERCI !
MERCI À TOUS !
Et c’est le coeur lourd que nous publions ces quelques mots pour une des dernières fois mais n’oubliez pas :
AMOUR ET BIERE FRAICHE !
ON VOUS AIME !